Depuis le 10 décembre 2024, la programmation artistique de La Gaîté Lyrique à Paris est annulée ou délocalisée. Si les portes sont fermées au public, ses espaces sont occupés par le Collectif des Jeunes du Parc de Belleville. Malgré le courage des équipes et de sa programmatrice Juliette Donadieu, c’est une situation qu’elle déplore et demande une nécessaire prise de responsabilités des autorités.
Quelle est la situation de La Gaîté Lyrique aujourd’hui, après 50 jours d’occupation ?
Juliette Donadieu : Nous sommes effectivement à 50 jours d’occupation de plus de 300 jeunes. Une occupation subie, illicite et que nous déplorons. En même temps, notre position est toujours la même : il est impensable, inacceptable de rejeter ces personnes à la rue en plein hiver.
Quelle est l’organisation du groupe sur place au quotidien ? Comment les choses se passent-elles concrètement chez vous ?
J. D. : Le lieu est fermé jusqu’à nouvel ordre et le Collectif des Jeunes du Parc de Belleville occupe le premier étage et le rez-de-chaussée. Ce sont des espaces auxquels les équipes n’ont pas accès. Elles n’ont accès qu’à leurs bureaux. Tout est cloisonné et le Collectif gère l’occupation, l’organisation des distributions de repas et les règles mises en place. Toutefois, la sécurité du bâtiment en tant que telle est toujours sous notre responsabilité, en tant que concessionnaires. Pour autant, c’est le Collectif qui gère et filtre les personnes qui rentrent dans les espaces occupés.
Comment la situation en est-elle arrivée là ?
J. D. : Ce que je vois, c’est que nous subissons à la fois la situation mais également l’inaction des autorités avec un dialogue qui nous semble impossible entre l’État et la Ville sur la prise en charge et la proposition de solutions de mise à l’abri. Pourtant, la maire de Paris l’a récemment dit et nous partageons les mêmes convictions : on ne met pas à la rue des jeunes en plein hiver.
Comment permettre à ces jeunes d’être en sécurité ?
J. D. : La Ville – qui est notre tutelle aujourd’hui – cherche des solutions avec le concours de l’État. L’analyse et la complexité de la situation ne relèvent pas de ma compétence ; en revanche, nous avons besoin qu’un lieu culturel continue d’exister, qu’il ne disparaisse pas. Il est urgent de rouvrir les portes et notre activité. Pour autant, nous réaffirmons des valeurs humanistes très simples : des solutions existent de mise à l’abri, des listes de bâtiments ont été publiées par la Ville. Il faut que les autorités prennent leurs responsabilités et proposent une mise à l’abri.
Pourquoi entre la Maison des Métallos il y a quelques mois, et aujourd’hui La Gaîté Lyrique, ce sont les lieux culturels qui servent de moyen de pression ?
J. D. : Le Collectif des Jeunes du Parc de Belleville saurait mieux vous répondre, mais je considère qu’il y a un vrai risque de fermeture de ces lieux culturels. Nous défendons au sein de la Fabrique de l’époque(1) depuis plus de deux ans qu’un lieu culturel doit être un lieu ouvert, qui accueille et s’adresse à tout le monde, un lieu hospitalier. C’est ce que nous avons fait avec une programmation gratuite, qui ouvre dès 9 h du matin. Une grande partie de ces jeunes avait l’habitude de venir dans le lieu et nous espérons bien continuer de les accueillir. La Gaîté Lyrique doit être ouverte à toutes et tous ; en revanche, il ne peut pas être un centre d’hébergement.
Les événements, tels que la Nuit de la Solidarité, la Marche des Solidarités qui ont eu lieu la semaine dernière, ont-ils permis une médiatisation plus soutenue du mouvement et avez-vous le sentiment qu’une couverture médiatique accrue fait avancer les choses ?
J. D. : Nous avons besoin de cette couverture mais nous recevons aussi le soutien très fort des publics, des équipes qui réaffirment leur solidarité à notre position. Les médias viennent faire échos de la situation, à la fois de la complexité juridique de la situation de ces jeunes mais aussi d’évidences que sont les valeurs humanistes que nous souhaitons exprimer aujourd’hui à Paris ou en France dans un contexte politique extrêmement complexe. Il est important que les médias continuent de le faire et nous continuons d’être sollicités. Il faut que cela continue afin de questionner et d’éclairer la situation, et le vide juridique dans lequel se retrouvent ces jeunes mais aussi le rôle d’un lieu culturel qui ne doit pas disparaître.