Entre 2003 et 2007, la Grande Halle de La Villette connaît un temps de rénovation l’ouvrant à de nouvelles ambitions techniques et artistiques. C’est l’agence d’architecture et d’urbanisme Reichen et Robert Associés, déjà à l’origine du projet dès son ouverture en 1985, qui développe un équipement scénographique unique en son genre : des portiques mobiles coulissants tout le long des 245 m de la Halle. Thomas Garel et Fabrice Truffert, régisseurs généraux de la Grande Halle de La Villette, nous ont ouvert les portes de ces espaces d’une autre dimension.
Quelle serait la particularité d’être régie générale à la Grande Halle de La Villette ?
Fabrice Truffert : La Grande Halle de La Villette ne possède qu’une seule salle, la salle Boris Vian. C’est la seule à être construite et opérationnelle toute l’année. L’ensemble du restant des espaces est fabriqué de toute pièce en fonction de chaque projet. Nous ne faisons pour ainsi dire pas d’exploitation de salle, mais bien de la création d’espaces sur mesure.
D’où la présence du bureau d’études ?
Thomas Garel : Effectivement, nous recevons des spectacles avec une fiche technique plus ou moins développée que nous dessinons en plan tel que nous l’entrevoyons dans l’une des parties de la Grande Halle. Il est ensuite transmis à la Compagnie qui corrige, retravaille, … L’ensemble du travail du bureau d’études est ensuite énorme car il permet effectivement de rendre visible un projet dans l’un de nos espaces, vierge de technique à l’origine.
Toutes les configurations sont différentes selon les spectacles accueillis, et vous construisez systématiquement selon les projets une nouvelle boîte à spectacle. Concrètement, comment équipe-t-on un espace a priori vierge ?
Thomas Garel : La Grande Halle est équipée de structures sur rails que l’on appelle des portiques mobiles. Ce sont des objets de 10 m de haut qui se déplacent dans la Halle et nous permettent de faire des points d’accroche grâce à des objets que nous appelons des crapauds-cœurs. Ce sont eux qui nous permettent de monter l’équivalent d’un gril de théâtre de 9,80 m de hauteur sur 20 m d’ouverture et 20 m de profondeur. Cet équipement ne possède aucune perche, mais seulement des ponts et des fermes américaines. Les fermes américaines accueillent toute la draperie, aucun élément son ni lumière. Ce sont des ponts triangulés de 500 ou de 300 avec pointes en haut ou en bas. Si le projet utilise des projecteurs automatiques, alors la pointe sera en bas de manière à construire une ligne à l’image d’une perche. Si le projet utilise des lumières traditionnelles, alors nous orienterons la pointe en haut de manière à accrocher des projecteurs qui éclairent vers la face et d’autres vers le lointain.
Fabrice Truffert : Avec le temps, nous avons standardisé un espace qui s’appelle Charlie Parker qui se compose d’un module type avec un gradin de 1 300 places, une scène qui fait 24 m d’ouverture par 19 m de profondeur et peut monter à près de 1 m de hauteur. Là où il y a standardisation, c’est que nous essayons de vendre une implantation avec deux portiques rapprochés qui constituent une base qui ne bouge pas trop entre deux projets. Malheureusement nous n’y arrivons pas toujours, donc parfois nous sommes obligés de casser des ponts, des moteurs et de refaire une configuration un peu différente entre les projets.
En dehors de ces portiques qui sont vraiment la spécificité de ce lieu, avez-vous d’autres solutions afin d’élever des éléments de décor et lumière ?
Thomas Garel : Oui, il nous arrive encore parfois de ne pas utiliser les portiques. En s’accrochant directement sur la trame du toit, nous revenons à un système d’accroche qui remonte au temps d’avant les travaux de 2003-2007. En revanche, la portance est beaucoup plus faible et les points de charge sont donc très délicats. C’est parce que ces fermes sont en fonte que la charge répartie, alors qu’elles font 29 m, n’est que de seulement une tonne et demie.
Fabrice Truffert : Nous sommes donc particulièrement limités si nous nous contentons des accroches à même le bâtiment. Nous avons trouvé d’autres astuces en dehors de ces portiques comme la fabrique de palonniers. Un palonnier est un pont qui est mis dans le sens longitudinale de la Halle qui permet une répartition des charges et augmente la capacité de portage de la ferme à deux tonnes. Nous avons enfin développé des structures auto-portées avec des ponts de 500 que des platines retiennent à même le sol. Nous devons souvent imaginer de nouvelles solutions, du “bricolage”, qu’un bureau de contrôle vient systématiquement vérifier une fois le montage effectué.
Comment arrive-t-on encore à faire du “bricolage”, même à la Grande Halle de La Villette ?
Thomas Garel : Nous n’arriverions pas à construire tous ces espaces sans la présence de nos ateliers de construction qui se situent à l’étage au-dessous de la Grande Halle. Ce sont eux qui fabriquent nos équipements grâce aux ateliers métal et bois : portes d’entrée pour le public, nos loges pour les artistes mais également certains des éléments de décor.
Fabrice Truffert : Effectivement, très prochainement nous accueillons la Compagnie de Rocío Molina qui demande des petits accessoires, des tabourets à des hauteurs bien définies. Ce sont nos ateliers qui vont les construire entre aujourd’hui et leur arrivée. Sur l’ensemble des spectacles, ils interviennent toujours un petit peu, il y a toujours un petit bout de construction qui nous permet de gagner un temps particulièrement précieux.