“Berserk & Pyrrhia” au FRAC Île-de-France & HLM

Entre déhiérarchisation des espaces et scénographie médiévale fantasmée

Le FRAC Île-de-France et ses Réserves vernissent demain 21 mars 2025 leur nouvelle exposition, Berserk & Pyrrhia. La proposition d’une rencontre entre art médiéval et art contemporain, à travers les œuvres du Fonds régional d’art contemporain et de nombreuses pièces extirpées de musées du patrimoine environnants, réjouit. Elle pose aussi la question de sa scénographie : plutôt médiévale ou contemporaine ? Et dans quels espaces ? Les réponses à quelques heures de l’ouverture se trouvent ici.

Invitation Berserk et Pyrrhia – Document © Félicité Landrivon

Alors que Céline Poulin, la future directrice du FRAC Île-de-France, pense à la création de cette exposition, elle n’est encore que candidate à son propre poste nous confie-t-elle. Après sa prise de fonction en 2023, la curatrice nous a pourtant déjà fait bien voyager, tant à travers les thématiques proposées des différentes expositions co-curatées avec de nombreux.euses commissaires, que dans les espaces d’exposition investis sur le territoire d’Île-de-France. C’est effectivement ce qu’elle nomme la “déhiérarchisation des espaces” et l’explique en ce sens : “L’espace d’exposition n’est pas un espace sacré ; les expositions dans les collèges ou les lycées ne sont pas secondaires. Il est important d’accorder une attention similaire à ces différents espaces parce que, selon moi, les espaces d’exposition sont aussi des lieux de vie. L’espace d’exposition du collège est, par nature, plus un lieu de vie qu’un espace muséal et l’intérêt est justement qu’ils se nourrissent l’un l’autre. L’espace d’exposition du Plateau à Paris et celui des Réserves à Romainville sont aussi des lieux de vie. Mon fantasme serait que nous allions dans un lieu d’art, avec la même facilité qu’à la bibliothèque, que cela fasse partie du quotidien”.(1)

Vue 3D de l’espace d’exposition au FRAC Plateau – Berserk et Pyrrhia – Document © Labaye Sumi

À l’époque médiévale, allait-on dans les musées comme à la bibliothèque ? Certainement pas. Mais finalement que savons-nous des usages des lieux et des objets de cette époque ? Des objets de mobiliers médiévaux, nous n’avons que peu de reliquats. Ce sont les tapisseries précieusement conservées grâce entre autres à l’un des partenaires scientifiques de l’exposition, le Musée de Cluny à Paris, qui ont participé à la fabrique d’un imaginaire fantasmé dont les scénographes de l’exposition, Agathe Labaye et Florian Sumi, se sont emparés. Ensemble, explique Céline Poulin, “nous avons réfléchi à la manière de faire un dispositif qui respecte les conditions muséales, tout en proposant une narration différente de celle du musée. Il y a un gros travail de création de la part des scénographes qui dépasse la question de l’usage en créant une atmosphère singulière pour les expositions”.(1)

Modélisation 3D d’un fragment d’architecture – Berserk et Pyrrhia – Document © Labaye Sumi

Modélisation 3D d’un fragment d’architecture – Berserk et Pyrrhia – Document © Labaye Sumi

La scénographie de l’exposition, œuvre du duo composé de l’architecte-coloriste Agathe Labaye et du plasticien Florian Sumi, repose sur l’idée que l’architecture médiévale suivait un processus d’accumulation de fragments. Dès lors, ils sont allés piller leurs propres archives d’objets personnels et ont compilé ces fragments de projets passés afin de construire ce “médiévalisme”(2) contemporain qui sort les espaces d’exposition de l’archétype du white cube. Il est toujours question d’architecture selon Agathe Labaye qui développe : “Au sein même de cette scénographie, nous avons construit trois morceaux d’architecture qui sont des micro-espaces habités. Ils sont trois fragments à l’échelle de l’architecture qui accueillent des lutrins de lecture, luminaires et assises. Ces fragments sont entre le mobilier et la sculpture, et reprennent les codes du baldaquin, du mobilier liturgique, du trône et du fauteuil de travail qui sont les éléments forts de l’époque médiévale”.(3)

Caroline Delieutraz, Seed 267, 2021, Galerie 22, 48 m2 – Photo © Caroline Delieutraz

Dans ce décor au fort relief, c’est le principe du vagabondage qui forme le parcours des visiteur.euse.s. Que les œuvres proviennent des Fonds ou de pièces historiques issues de collections patrimoniales franciliennes, l’exposition prend alors la forme d’un “butin que la scénographie que nous avons proposée à Céline Poulin vient renforcer”, partage Florian Sumi, et cela grâce au principe d’égalité de présentation des pièces proposées. Un système de soclage recouvert d’une toile de jute laisse se répandre librement les résonances formelles et conceptuelles. Laissez Puck, fidèle compagnon de Guts, vous guider dans ce voyage, les elfes “peuvent soigner les gens, ou encore lire leurs émotions comme dans un livre ouvert, et même leur apporter le bonheur, il paraît !”.(4)

Ibrahim Meïté Sikely, Shine and Struggle in Shinigami Realm, 2021, Collection Frac Île-de-France – Photo © Ibrahim Meïté Sikely

L’exposition Berserk & Pyrrhia sera visible à partir du vendredi 21 mars 2025 dès 17 h au Plateau (Paris) et aux Réserves (Romainville) dès 19 h, jusqu’au 20 juillet 2025.

(1).  Extrait de l’entretien téléphonique mené avec Céline Poulin le 6 mars 2025

(2).  Expression de Michel Huynh, conservateur général, Musée de Cluny – Musée national du Moyen Âge, rapportée par Céline Poulin dans notre entretien

(3).  Extrait de l’entretien téléphonique mené avec Agathe Labaye et Florian Sumi le 6 mars 2025

(4).  Miura Kentaro, Berserk, Tome 1, Éditions Glénat, Grenoble, 2017, p.45

Facebook
LinkedIn

à propos de l'auteur

“Berserk & Pyrrhia” au FRAC Île-de-France & HLM

Facebook
LinkedIn

CONNEXION