Une future SMAC à Vauréal

Même nom, même parcelle, même équipe, Le Forum de Vauréal passe un cap grâce à ce nouvel équipement répondant aux caractéristiques définies par le ministère de la Culture pour l’obtention du label national “Scène de musiques actuelles”. Dans la continuité de l’ancien Forum, l’âme associative et le désir de proximité entre artistes et public sont encore imprégnés dans l’esprit du nouveau lieu conçu par l’agence d’architecture TETRARC. C’est le fruit d’une aventure humaine, où maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre ont su travailler en équipe avec la maîtrise d’usage pour offrir un bâtiment fonctionnel, plus ouvert et attractif, marquant une nouvelle étape pour l’équipe passionnée du Forum.

Un nouveau Forum

La SCIN (Scène conventionnée d’intérêt national) musiques actuelles du nouveau Forum s’implante à Vauréal, sur le site de la Maison des associations et de l’ancien Forum aujourd’hui démolis. Créé en 1994, Le Forum de Vauréal est au départ un centre socioculturel qui s’est progressivement dédié à la musique, suite à la transformation de sa salle polyvalente en salle de concert de 450 places et à la construction de studios de répétitions. Cependant, dans les années 2000, la décision d’urbaniser la ville nouvelle de Vauréal et d’y créer un centre-ville font du premier Forum un bâtiment peu intégré, hermétique et à l’étroit dans ses locaux face à l’attractivité de sa programmation. La rénovation étant jugée plus coûteuse qu’une nouvelle construction, un appel d’offres est alors lancé en 2016 par la mairie de Vauréal pour la construction d’une nouvelle infrastructure plus spacieuse et plus ouverte sur la Ville. Le concours est remporté par l’agence d’architecture TETRARC, qui compte déjà plusieurs SMAC à son actif dont Stereolux à Nantes ou Paloma à Nîmes. “Ce qui nous a plu c’est la forme, l’ouverture et la non-conventionnalité du projet qui ressemblait moins aux autres SMAC. Il y avait une réelle volonté de faire autrement que ces salles aux volumes cubiques et noirs”, explique Matthieu Piques, directeur technique du Forum. En cours de conception, la maîtrise d’ouvrage change et la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise prend le relais de ce projet ambitieux. Livré en septembre 2023, le nouvel équipement, dont la programmation s’oriente autour de la ligne artistique des niches rock et métal, a pour ambition de s’élargir à d’autres esthétiques musicales grâce à sa nouvelle scène et son club, mais également d’attirer un nouveau public grâce à la possibilité d’une configuration assis et debout. “Tout le travail développé depuis 1994 se trouve amplifié et magnifié par ce nouvel équipement”, confie Aurélie Vanden-Born, directrice et programmatrice du Forum.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une parcelle contrainte

La forme et la distribution spatiale du nouveau Forum sont le résultat d’une parcelle contrainte par la nécessité de conserver l’ancien bâtiment et son activité jusqu’à la fin du chantier. La forme induite du nouveau bâtiment laisse alors imaginer l’emprise de l’ancien Forum, comme si le nouveau avait embrassé l’ancien. La principale place libre laissée par la démolition de la Maison des associations attenante n’était pas suffisante pour y placer toutes les fonctions nécessaires, induisant une forme en “L” élargi. “Le geste architectural nécessitait de placer le reste du programme manquant, entre Le Forum et la piscine située à l’arrière de la parcelle”, explique Olivier Pérocheau, architecte associé chez TETRARC. En résulte un bâtiment de 15 m de hauteur s’étendant sur quatre niveaux. Au rez-de-chaussée, un hall d’accueil dessert les locaux de l’administration, la grande salle de concert de 800 places et le club de 150 places. Deux circulations verticales sont disposées aux deux extrémités de l’infrastructure. Une première circulation située en pointe du bâtiment mène aux trois studios de répétitions situés en sous-sol puis dessert les loges des artistes et des espaces de cuisine et réfectoire aux niveaux supérieurs. Une deuxième circulation, plus technique, est située en arrière-scène. Elle dessert les espaces de stockage en sous-sol, l’accès livraison, les vestiaires du personnel et le gril. La disposition de ces circulations verticales aux deux extrémités permet la connexion facile entre la grande scène et les espaces annexes mais implique également de longs couloirs de circulation. Face à cette contrainte, une partie de ces circulations est traitée en coursives vitrées, offrant ainsi des espaces d’interactions et de transparence entre l’équipement et la Ville. La décision de conserver l’ancien Forum durant le chantier a donc représenté une contrainte dans l’optimisation des espaces et n’a pas offert une grande flexibilité dans la conception. Particulièrement, le fait d’élever le bâtiment sur quatre niveaux implique un travail en hauteur via des ascenseurs, rendant les circulations moins fluides pour l’équipe technique. Un bureau en arrière-scène aurait été également idéal pour l’équipe de la régie. Cependant, Le Forum ne pouvait pas se permettre d’arrêter sa programmation et de perdre son public durant les deux ans de chantier, imposant donc à la maîtrise d’œuvre de composer avec ces contraintes spatiales.

Transparence et rythme

Une des volontés majeures de la maîtrise d’ouvrage était de faire en sorte que les Vauréaliens puissent voir ce qu’il se passe à l’intérieur de l’édifice, aussi bien pendant les préparations de concert que durant les intervalles de temps sans événement, ceci dans le but d’attirer le public et de sortir de l’effet “bunker” de l’ancien Forum. La façade sur le Boulevard de l’Oise se caractérise par une alternance de poteaux en biais donnant un effet d’ondulation et de mouvement à la façade, rappelant le rythme de la musique. Par la variation de leurs inclinaisons, ces poteaux viennent accompagner le mouvement d’enroulement autour de l’ancien Forum et guider les spectateurs vers l’entrée principale. Côté extérieur, ces poteaux sont revêtus d’aluminium anodisé afin d’assurer la protection du bois et laissés en bois apparent côté intérieur. Dans leurs interstices, une alternance de cassettes aluminium et de vitrages offre une transparence sur l’intérieur accentuée au niveau du grand hall en triple hauteur. De l’extérieur, la grande salle de concert se laisse alors deviner. “Les formes des balcons sont en extrusion sur le hall, comme si le spectacle sortait de la salle et venait se montrer, se faire voir depuis l’espace public”, souligne Olivier Pérocheau. La teinte dominante rouge du hall et de son grand escalier hélicoïdal accentue la dimension spectacle du lieu et fait appel. Par sa forme et son esthétique, Le Forum joue son rôle de marqueur urbain et d’espace fédérateur via un large parvis qui accueillera des événements associés ou non à la SMAC.

 

 

 

 

 

 

 

Une salle en vignoble

En entrant dans la grande salle de concert, les balcons ondulés font de suite leur effet. La dominante noire de la salle entre en contraste avec les nez de balcons bardés de panneaux métal à plissures verticales dorées. Ces ondulations se différencient de l’esthétique froide des salles de rock. “La conception de la salle rappelle l’esprit mythique des grandes salles européennes, la courbe du Trianon, l’or du Joy Eslava de Madrid, le rouge du Koko de Londres”, explique Olivier Pérocheau. La conception de cette salle s’inspire également de la petite salle du Forum I, dont la disposition permettait au public d’être très proche de la scène, induisant une réelle connexion avec les artistes. “Tout l’enjeu du Forum II était de conserver cette ambiance dans une salle plus grande”, confie l’architecte. Ainsi deux niveaux de balcons viennent s’enrouler à cour et à jardin de la scène, offrant de belles perspectives en hauteur au plus proche des artistes.

 

 

 

 

 

 

 

Cette salle sur trois niveaux dispose d’une scène de 133 m² faisant 14 m d’ouverture et est surmontée d’un gril technique. Un parterre comptant 600 places debout, avec une possibilité d’y installer 230 chaises, permet d’assurer la configuration assis/debout. De plus, un premier balcon ceinture la scène et dessert quatre places PMR et les loges partenaires dont l’ondulation permet une visibilité quasi frontale en hauteur. Enfin, un second niveau de balcon distribue six loges partenaires en grappe autour de la salle ainsi qu’une tribune fixe de 162 places. La dissymétrie de la salle ainsi que les balcons en ondulation ont impliqué un travail complexe sur la courbe de visibilité et l’acoustique, ayant nécessité plusieurs reprises des nez de balcons et des calibrages acoustiques au moment du chantier.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le club

En plus de sa grande salle de concert, Le Forum se dote d’un espace club en rez-de-chaussée. Cette salle à l’esthétique simple compte une jauge de 150 places. Sa petite scène de 38 m² permet d’augmenter la fréquence de résidence du lieu et représente un outil d’accompagnement des groupes émergents ou pré-professionnels. Grâce à des panneaux coulissants mobiles à fort potentiel acoustique venant coulisser et se positionner sur le mur du fond de la salle, cet espace a la possibilité de s’ouvrir totalement sur le hall. La volonté est de sortir la musique de l’espace cloisonné de sa scène et d’offrir une plus grande visibilité sur l’activité du lieu. “Le public voit le bâtiment autrement. Le club, lorsqu’il est décloisonné, est visible de la rue, rendant un peu plus accessibles les musiques actuelles“, explique Matthieu Piques.

 

 

 

 

 

 

 

 

Un désir de proximité

Le désir de proximité formulé par la maîtrise d’usage a beaucoup influencé l’organisation spatiale du Forum. Comme dans l’ancien équipement, tout se passe autour du grand bar du hall qui joue le rôle d’espace fédérateur et de point d’accueil. “Nous n’aimons pas l’idée d’être séparés et c’est ce qui inquiétait l’ancien public qui avait peur de ne plus voir l’équipe”, confie Matthieu Piques. Par la volonté de la maîtrise d’usage, les bureaux administratifs, auparavant pensés à l’étage, ont été ramenés au rez-de-chaussée, à proximité de l’entrée, afin d’avoir un contact direct avec le public, et d’assurer la transparence et la proximité que doit offrir un équipement public. Cependant, ce geste a encore plus réduit l’espace disponible en rez-de-chaussée pour les besoins de la salle. En effet, par exemple, l’équipe technique est obligée de passer par l’extérieur ou par des chemins intermédiaires pour accéder en arrière-scène. Manque de place, désir de proximité, le compromis ne posait pas problème pour la maîtrise d’usage qui assume vouloir une relation directe avec les artistes. “L’interactivité nous a toujours plu sur le premier Forum. Nous pensons qu’il est important que les équipes fusionnent au moment du travail”, assure le directeur technique.

Une âme associative conservée

Le Forum est le résultat d’une envie commune de faire un projet réussi. La consultation et l’implication de la maîtrise d’usage, et notamment de Matthieu Piques, a représenté un atout majeur durant tout le processus du projet. “Avec la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre, nous avons appris à nous écouter, nous comprendre, et cela a été une réussite”, explique Matthieu Piques. De par son expérience en tant qu’usager et directeur technique, il a su donner des réponses en termes de besoins d’usages et techniques. En cela, il est devenu un interlocuteur essentiel pour tous les acteurs du projet. Des réponses, il est aussi allé en chercher auprès des autres SMAC qui ont su partager leur retour d’expérience concernant l’usage de leur équipement, permettant ainsi d’éviter en amont certaines erreurs de conception. Cette implication de la maîtrise d’usage a nécessité une capacité d’écoute et de flexibilité de la part d’Olivier Pérocheau qui a su se positionner dans une logique de réflexion ouverte où l’usage se retrouve au cœur de la réflexion architecturale. Il en ressort des récits du chantier, une ambiance d’esprit d’équipe, d’échanges et une volonté d’établir de bons liens humains entre tous les acteurs du projet. Cela montre bien l’esprit du Forum, un espace pensé pour se rassembler.