“Mai 68 est la dernière grande secousse de l’Histoire de France”
Michel Wieviorka est sociologue et administrateur de la Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme. Un dossier sur les cinquante ans de Mai 68 vient d’être publié sous sa direction, dans la revue Socio. Publication qui contient de nombreuses interventions d’acteurs et de témoins du mouvement comme Daniel Cohn-Bendit, Alain Geismar, Alain Touraine ou encore Edgar Morin.
Vous aviez vingt-et-un ans en Mai 1968. Quel souvenir d’étudiant en gardez-vous ?
Michel Wieviorka : Mon cas était singulier. J’étais alors étudiant dans une école de commerce. Je conserve des sentiments variés de Mai 68. J’étais à fond dans le mouvement, n’ai loupé aucune manif. Mais j’étais un très mauvais acteur des événements. Je n’étais pas politisé. Je savais que ma place était dans ce mouvement tout en étant bien incapable de dire pourquoi. Nous étions dans une période de croissance, de plein emploi et j’avais une famille merveilleuse. De fait, je crois qu’avec 68 je ressentais de la libération sans savoir de quoi je me libérais. J’étais là avec un immense plaisir, un sentiment d’émancipation et de bonheur. Il faisait beau, les gens se parlaient. Il se passait quelque chose tout le