Tom Huet

Les voyages de la scénographie

Photo © Vitaly

J’ai fait des études de scénographie mais je suis artiste et je réalise des installations.” C’est ainsi que Tom Huet parle de son parcours. Après le lycée, un trop plein d’envie le mène à des études d’histoire de l’art qu’il abandonne pour passer le concours de l’ENsaD. De parents architectes, il a été nourri par des réflexions sur l’espace. Attiré par l’image et la photo, il cherchait à représenter l’espace urbain, intéressé par les villes résultant d’une juxtaposition pluriséculaire, non planifiées et qui se développent par une multitude d’actions. Il choisit la scénographie pour le rapport du corps à l’espace, capable de traduire des sentiments. “Je me suis rendu compte qu’avec la lumière on pouvait créer du mouvement. Je me suis spécialisé autour de la lumière, rythmée, pulsée, déplacée, afin de jouer avec les sens.” La perception du temps et de l’espace sera récurrente dans son travail : le mouvement, à la recherche de lenteur extrême jusqu’aux limites de l’imperceptible. Puis interviennent les éléments comme l’eau, la brume et le vent, les flux, avec lesquels il expérimente de plus en plus et qui deviennent des matériaux de prédilection. L’idée est de révéler des phénomènes souvent imperceptibles à l’œil nu, comme les mouvements de la fonte d’un bloc de glace ou les masses d’air en mouvement dans l’espace.

Une année de césure à Rio au Brésil lui a permis d’élaborer son mémoire sur les atmosphères urbaines. Pour son diplôme en 2012, il réussit à combiner tout ce qui l’intéressait et il proposa une mise en scène sonore et lumineuse des Aveugles de Maeterlinck, avec trois bruiteurs et la présence d’une voix, mais pas d’acteur. L’espace était composé de diverses plaques miroitantes suspendues.

Il continua jusqu’en 2015 ses recherches au laboratoire de l’EnsAD dans la section lumière interactive et axa son travail sur l’étirement de l’espace et du temps.

Tom Huet crée des dispositifs pour réaliser ses installations, à chaque fois adaptés aux lieux dans lesquels ils sont présentés. Il développe des formes expérimentales comme Les Expériences Sono-Plastiques ou Les Substances Climatériques, formes hybrides à la limite entre installation, performance et spectacle vivant qui sont généralement le fruit de collaborations avec d’autres artistes.

Une collaboration avec Daniel Jeanneteau pour Mon corps parle tout seul au 104 marqua son parcours. Il s’occupait de l’ultime partie du dispositif : une projection sur un voile de brume. Il développa ainsi ce procédé pour l’inauguration de la galerie Âme Nue à Hambourg où il proposa une installation in situ. Le rez-de-chaussée de la galerie, plongé dans le noir, recueillait une sculpture évanescente de brume et de faisceaux de lumière géométrique. L’eau brumisée provenait directement du canal adjacent à la galerie et le volume créé par la lumière était en mouvement perpétuel, les micro-volutes lui donnant un aspect hypnotique.

De retour à Rio, Tom Huet fait plutôt de la musique et joue du soubassophone. Il a créé une formation acoustique avec laquelle il joue de l’électro. Il a imaginé un moyen de manipuler en direct la lumière et le dispositif. Il a été invité en Chine pour un festival de musique expérimentale, Shadowplay, pour réaliser des installations in situ.

Malgré les difficultés à Rio où il n’y a pas de budget pour la musique et l’art, il a trouvé le moyen d’autofinancer ses idées en produisant de la bière avec un ami artiste. “Nous allons installer une galerie dans la zone portuaire, un espace de résistance où nous monterons un atelier, une brasserie et un laboratoire. C’est un lieu propice à la réalisation de nos projets les plus ambitieux.” Le lieu va avoir un jardin expérimental composé d’essences rares, de dispositifs pour récupérer le gaz issu de la fermentation et un espace pédagogique pour les enfants du quartier. Une fois par mois, un atelier gratuit sera proposé aux habitants de la favela adjacente pour leur apprendre à produire leur propre bière. “Celle-ci va devenir un élément émancipateur et c’est elle qui va financer nos projets expérimentaux.”

La galerie Sara Cura rassemblera les artistes autour des installations immersives, de la musique et il y aura à boire et à manger. “Tout ce qui nous fait vibrer.” Une belle utopie à laquelle nous souhaitons une longue vie.

Immersion – Photo © Tom Huet

Système cosmique – Photo © Tom Huet

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